Pourquoi parler de privation d’eau ou de nourriture ?

Quand on évoque la maltraitance animale, l’image d’un animal battu vient souvent en tête. Mais la privation d’eau ou de nourriture, plus discrète, est pourtant l’une des formes de négligence les plus courantes. Ce sujet est central, parce qu’il touche au droit fondamental de l'animal : celui de vivre sans souffrance, sans faim et sans soif. Il s’agit aussi d’un acte réprimé par la loi française (source : Code rural), qui pourrait coûter la vie à des milliers d’animaux chaque année.

Aujourd’hui, il reste encore des propriétaires sous-informés sur la gravité des conséquences quand on prive un animal de ces besoins essentiels, ne serait-ce que “quelques heures de trop”, pensant qu’un chien ou un chat “saura bien se débrouiller” ou “peut jeûner, comme dans la nature”. C’est une idée reçue, dangereuse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2022, 63 % des signalements pour maltraitance à la SPA concernaient un défaut de soins ou d’alimentation (SPA).

Que se passe-t-il dans l’organisme de l’animal privé d’eau ?

L’eau, c’est la vie. Chez un chien ou un chat, priver d’eau même une journée est déjà risqué – et le danger survient bien plus vite qu’on le pense.

  • Le chat, en particulier, concentre ses urines et boit peu par nature. Mais sans eau, en 24 à 36h, il entre en déshydratation, avec un impact immédiat sur ses reins, très fragiles.
  • Le chien, plus “résistant” à première vue, n’en est pas moins vulnérable : perte de 10 % de l’eau corporelle = détresse vitale.

Les conséquences immédiates d’une absence d’eau :

  • Bouche sèche, yeux enfoncés : signaux souvent visibles au bout de quelques heures seulement.
  • Abattement, manque de coordination : la circulation sanguine se fait mal, la température corporelle baisse.
  • Effondrement du système digestif : vomissements, diarrhées aggravent la déshydratation.
  • Insuffisance rénale aiguë : chez le chat, irréversible si la privation dure plus de 48h.
  • Risque de décès : chez un chat fragile ou un chiot, cela peut survenir en moins de deux jours.

Pour donner un repère : un chien adulte a besoin en moyenne de 50 à 70 ml d’eau par kilo et par jour. Un chat d’intérieur, autour de 40 à 60 ml – et plus si l’alimentation est sèche. (Wamiz)

Effets de la malnutrition : un animal affamé, et après ?

Priver un animal de nourriture inflige au corps et à l’esprit des lésions dont il ne se remet pas toujours totalement. La sous-nutrition, même ponctuelle, laisse des séquelles invisibles. La faim n’est pas supportable “jusqu’à demain”.

Conséquences immédiates

  • Baisse de l’énergie, hypoglycémie : désorientation, faiblesse, parfois tremblements ou convulsions chez les chiots et chatons.
  • Dérèglement digestif : vomissements, gastrites, douleurs abdominales.
  • Modification du comportement : apathie, agressivité, recherche compulsive de nourriture.

Conséquences à moyen et long terme

  • Fonte musculaire : l’organisme “mange” ses propres tissus, provoquant boiterie, amaigrissement du visage, perte de poils.
  • Baisse de l’immunité : l’animal devient la proie de la moindre infection (rhume, vers, infections bactériennes).
  • Dommages aux organes : d’abord foie et reins, puis cerveau – les neurones des jeunes sont particulièrement sensibles à la malnutrition.

D’après une étude menée par l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC), une période de jeûne totale de plus de 48 heures chez un chiot ou un chaton multiplie par cinq le risque de décès dans le mois suivant, même avec une réhydratation et une réalimentation précoces.

Un animal adulte très amaigri peut mettre plusieurs mois à récupérer une masse musculaire normale… quand il y parvient. Les séquelles psychologiques sont parfois irréversibles : anxiété alimentaire, troubles du comportement, méfiance envers l’humain.

Combien de temps un animal peut-il survivre sans eau ni nourriture ?

Des vidéos de sauvetage ou des histoires d’animaux retrouvés après des semaines d’errance sont parfois trompeuses. Il n’existe aucun “record” sain ou enviable.

Sans eau Sans nourriture
Chat adulte 2 à 3 jours (extrême) 5 à 7 jours (mais atteinte hépatique grave dès 2-3 jours)
Chien adulte 2 à 4 jours 7 à 10 jours
Chaton/chiot < 24h 24 à 48h (risque mortel ensuite)

Attention : après quelques heures de privation, le pronostic vital peut déjà être engagé si l’animal est malade, âgé ou s’il fait très chaud.

Signaux d’urgence : comment reconnaître un animal souffrant de privation ?

Parfois, la souffrance ne saute pas aux yeux. Certains animaux cachent leur détresse. Voici les signes qui doivent alerter :

  • Perte de poids rapide, creusement des flancs, pelage terne
  • Faiblesse extrême, difficulté à se lever, chutes
  • Vomissements d’eau “mousseuse” ou refus de manger/boire
  • Tristesse, isolement : l’animal se cache, fuit le contact
  • Urines foncées ou absence d’urine : signe d’alerte d’insuffisance rénale
  • Miaulements, gémissements inhabituels

Avec les chats, particulièrement silencieux, la vigilance s’impose : un chat qui ne se nourrit plus pendant 24h doit être vu par un vétérinaire.

Quelques cas marquants qui ont fait avancer la loi

En 2018, la condamnation d’un individu pour avoir laissé son chien sans eau ni nourriture – chien sauvé in extremis suite au signalement d’un voisin – a rappelé que le Code pénal permet de punir ces négligences de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende. Les juges retiennent alors “sévices graves et actes de cruauté” devant la détresse avérée de l’animal (source : Fondation Brigitte Bardot).

Plus largement, des campagnes de sensibilisation lancées en 2021 par la DDPP ont mis l’accent sur les dangers immédiats de laisser un animal “se débrouiller” pendant les vacances : 4 000 contrôles ont été réalisés sur la côte méditerranéenne, 12 % des propriétaires étaient en infraction sur l’accès à l’eau.

Démarches : que faire si je constate qu’un animal manque d’eau ou de nourriture ?

Il ne faut jamais hésiter à agir. La loi oblige chaque citoyen à porter assistance à un animal en détresse.

  1. Premier réflexe : vérifier l’état de l’animal (gaieté, train de vie, accès réel à l’eau et à la nourriture)
  2. Documenter : prendre des photos, noter la date, l’heure, essayer de recueillir les témoignages de voisins
  3. Signaler : contacter la mairie, la police municipale, puis une association locale ou directement la SPA, 30 Millions d’Amis ou la Fondation 30 Millions d’Amis
  4. En cas d’urgence vitale, appeler le 17. Ne jamais entrer sur une propriété sans autorisation : la police pourra constater la situation d’abandon ou de privation.
  5. Ne pas culpabiliser d’alerter : il vaut mieux une intervention “de trop” qu’un animal victime de non-assistance.

Enfin, si l’on découvre chez soi un animal errant, déshydraté, affamé : proposer de l’eau fraîche en petite quantité, attendre que l’animal récupère pour donner de petites portions de nourriture facile à digérer (poulet cuit, pâtée pour chats). Jamais un “bol plein” d’un coup, mais fractionné.

En faire trop d’un coup expose l’animal au “syndrome de renutrition inadaptée”, potentiellement fatal.

Aider concrètement, prévenir, informer

  • Éduquer les plus jeunes à l’importance des rations et de l’eau fraîche dès le plus jeune âge
  • Mettre à disposition dans chaque quartier de l’eau en été (abreuvoirs, fontaines, points d’eau animaliers)
  • Rappeler sur les réseaux sociaux, sans stigmatiser, les besoins précis des chiens et des chats selon leur âge et leur état de santé
  • Inciter à la vigilance collective : les campagnes de voisins solidaires ont permis, dans certains quartiers, de sauver des chiens ou des chats restés plusieurs jours sans soin durant les vacances
  • Orienter chaque personne confrontée à une situation douteuse vers les autorités compétentes

Les progrès passent par l’action et l’information. Rappeler que l’eau et la nourriture ne sont pas seulement du “confort” mais bien des besoins vitaux, c’est poser un acte de prévention contre la négligence.

Avancer ensemble pour que plus aucun animal ne souffre en silence

Un animal ne peut pas dire qu’il a faim ou soif. Il montre, il endure, il attend… Parfois trop longtemps. La vigilance, l’empathie et l’action rapide font la différence entre la souffrance et la vie sauve. Pour chaque animal, une voix, un geste compte. Veiller à l’accès constant à l’eau et à l’alimentation, c’est le premier pas vers une société où la négligence n’aura plus sa place.

Pour toute question, n’hésitez pas à demander conseil à votre vétérinaire, à solliciter une association locale, ou à consulter des ressources fiables. Chaque vie animale est précieuse, et votre vigilance est leur meilleure protection.

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